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Cousin,
cousin
De ce dernier nous avions découvert en mars 2001 le deuxième film, «Nuages de mai», œuvre d’apparence modeste, portée par un vrai regard de cinéaste attentif aux êtres et à la lumière, au temps qui passe et au temps qu’il fait, conscient des vertus de son art et disposé à tous les efforts nécessaires pour le servir. La présentation de «Uzak» à Cannes puis le Grand Prix du jury qu’il y a obtenu ont offert à Nuri Bilge Ceylan l’exposition idéale, dont on espère maintenant qu’elle lui ouvrira les portes d’une reconnaissance plus large encore. Sans pourtant attendre davantage qu’un de ces succès que l’on dit d’estime, le jeune cinéaste (il a 43 ans) se situant dans une voie qui n’a jamais conduit à des triomphes commerciaux, celle empruntée avant lui par Antonioni ou par Angelopoulos, avec incursions du côté de Kiarostami (auquel «Nuages de mai» devait beaucoup). Nuri
Bilge Ceylan est de ceux qui font tout tout seuls. Même quand ils ont
le choix de faire autrement? Sans doute. Il est donc scénariste, producteur,
chef opérateur, réalisateur et monteur de «Uzak». Comme dans «Nuages de
mai» il était aussi acteur, de même que ses propres parents et les gens
de son village, on dira qu’il apprend peu à peu à déléguer. En turc, «Uzak»
signifie «distant». Quand la distance entre le regardant et le regardé
n’est pas bonne, l’image sur l’écran est floue. Au début, un homme marche
dans la neige. Aboiements de chiens au loin, bruit étouffé des pas, souffle,
vapeur, brouillard. La distance est celle-là, elle ne saurait être autre,
la durée également, qui permet le partage. Le cinéaste
les regarde vivre, il les observe à distance, en leur donnant toujours
le temps d’exister. Le temps qui fait d’une situation un instant de comédie
(quitte à en passer alors par des effets efficaces, mais parfois un peu
faciles) ou un moment de tension dramatique, le temps qui creuse les solitudes
et ainsi réunit, inscrit les êtres dans leur relation à l’autre, personnage
parfois, spectateur toujours. Un cinéma de la rencontre, rencontre de
deux intelligences et de deux sensibilités, celles du cinéaste et celles
du spectateur, un cinéma de communion, qui abat les frontières et fait
tomber les murailles. De même que le cousin des champs ne deviendra pas
marin, le photographe des villes ne sera pas cinéaste, comme il en rêva
autrefois, mais peu importe, puisque le film est là.
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